Ecrire ou inscrire ? Est-ce une vraie question ? Nous en faisons le pari en nous intéressant aux inscriptions et à leurs mises en situation, en croisant les pratiques, les disciplines et différents domaines artistiques.
Ce n’est pas seulement parce que la notion d’écriture se réduirait à une abstraction alors que l’inscription en serait la matérialisation concrète. Les inscriptions sont plus largement liées aux situations dans lesquelles on les trouve ou dans lesquelles on les produit : cela engage des lieux, des supports, des médias, des matières, dont l’inscription tire en partie son sens. C’est une question qui touche à la création comme à la réception des arts, à leurs traditions comme à leurs actualisations les plus contemporaines.
Dans la poésie et l’art contemporains, on observe ainsi des pratiques, qui peuvent constituer un renouveau, parfois inattendu de pratiques anciennes. Mais ce faisant, les inscriptions ne semblent plus un genre spécifique, ancré dans les traditions érudites dont témoignait par exemple l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, la « Petite Académie » de 1663. Nos rapports aux inscriptions ont changé, peut-être à cause de la remise en question de la place des livres comme lieu « naturel » de l’inscription, par le numérique mais aussi par la communication vocale. Dans une publication récente, Sandrine Hériché-Pradeau et Maud Simon Pérez soulignent qu’« écrire n’est pas inscrire[1] ». De même, le verbe « lire » n’est probablement pas le plus juste pour nommer les innombrables situations que l’inscription fait naître. On ne lit pas simplement l’inscription : on la rencontre, on la découvre, on s’y confronte, on la dégage de la terre (on l’invente), on la reconstitue, on la relève et la transcrit, on en fait un calque ou un estampage à l’encre, on la photographie ou la filme (et pour cela, on l’éclaire avec des spots lumineux), on la déchiffre, on la traduit, on la déforme, on y sème des erreurs, on la réemploie, on la fait circuler, on la lit à voix haute, on la commente, etc…
[1] Sandrine Hériché-Pradeau et Maud Pérez-Simon (dir.), Inscriptions : une matière en toutes lettres, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2023, p. 12.